La fonction présidentielle dans toutes les démocraties contemporaines est une fonction trop sérieuse au point d’être ouvert à tous. Il s’agit de choisir celui qui aura la lourde tâche de « veiller au respect de la Constitution, d’assurer par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat ». Au surplus, l’élection présidentielle permettra de désigner celui qui « garantira l’indépendance nationale et l’intégrité territoriale en incarnant l’unité nationale ». La solennité et le caractère hautement symbolique de la mission du Chef de l’Etat justifient l’essentiel des pouvoirs que le peuple lui confie en l’autorisant à accéder à la magistrature suprême. Ce qui explique aussi toute la passion et la déraison que fait naitre l’élection présidentielle dans la vie politique et institutionnelle. Le filtrage des candidatures à la participation de l’élection présidentielle a toujours fait l’objet de débats à forte tournure juridique et politique.
Mais, l’argument de poids demeure, comme a eu à le rappeler le Conseil constitutionnel français, que « le nombre élevé de candidatures » ne doit pas affecter « la clarté du débat électoral » et « il importe, pour respecter l’esprit même de l’institution de l’élection du président de la République par le suffrage universel, que les candidatures aient une assise véritablement nationale ». Il va s’en dire que la désignation du titulaire du pouvoir exécutif doit obéir à des garanties minimales d’éligibilité et des règles contingentes de présentations des candidatures en vue d’assurer la sincérité et la crédibilité du scrutin. Au Sénégal, depuis quelques jours, un prétendu débat juridique s’installe autour du projet de loi modifiant le système de parrainage vigueur afin de préserver davantage la dignité de la fonction présidentielle. A cet égard, deux clarifications sont apportées pour éviter de nourrir le doute dans les milieux académiques et se semer la confusion dans l’opinion publique.
Il s’agit de bien retenir que le mode d’élection du Président de la République n’est pas à confondre avec les règles de présentation de candidature (I). Il s’agit d’une question d’opportunité de stabiliser le système de parrainage dans notre pays (II) et le projet de loi ne viole aucune disposition de la Constitution sur le plan strictement juridique à notre sens.
Le mode d’élection du Président de la République à ne pas confondre avec les règles de présentation de candidature.
Considéré comme « la clé de voute des institutions », le Président de la République dans la plupart des Constitutions est élu au suffrage universel direct. Ce qui permet au dépositaire du pouvoir exécutif d’avoir une légitimité égale à celle de l’Assemblée nationale.
Le mode d’élection du Président de la République au suffrage universel direct et à la majorité absolue des suffrages exprimés est fixé par la Constitution en son article 26. Cette disposition a été érigée au rang des clauses d’éternité par la révision constitutionnelle du 20 mars 2016 adoptée par référendum. Désormais, le nouvel article 103 verrouille toute velléité de toucher au mode d’élection du Président de la République au suffrage universel au même titre que la forme républicaine de l’Etat, le nombre de mandats consécutifs.
Dès lors, toute assimilation du mode d’élection du Président de la République aux règles de présentation des candidatures est en soi excessive et décevante. Une doctrine récente a tenté de forger une argumentation interprétative considérant le parrainage comme mode d’élection du Président de la République. Ce qui provoque un tsunami juridique préjudiciable à la compréhension de la doctrine constitutionnelle. Alors que la Constitution sénégalaise distingue opportunément le mode d’élection des règles régissant la présentation des candidatures (conditions d’éligibilité et de recevabilité). Parmi ces règles, figure le système de parrainage auquel la Constitution fait référence à l’article 29 de la Constitution soulignant ainsi que « toute candidature, pour être recevable, doit être présentée par un parti politique ou une coalition de partis politiques légalement constitués ou être accompagnée de la signature d’électeurs représentants au moins dix mille inscrits domiciliés dans six régions à raison de cinq au moins par région ». La lecture fidèle de cette disposition sans arrière-pensée montre qu’elle ne concerne pas la manière dont le Président de la République est élu. Donc le parrainage ne serait qu’une condition de validité des candidatures déposées auprès du Conseil constitutionnel, organe chargé de la régularité des élections nationales.
Pour rester sur le terrain éminemment scientifique, on peut comprendre aisément que la définition qui sert de comme point de départ à la confusion entre mode d’élection et règles de présentation pas soit pas sourcée. Ainsi que le recommande la clarté méthodologique, la doctrine ou la jurisprudence à l’origine d’une telle définition demande à être citée au moins en notes de bas de page. Mais, l’optimisme et la tolérance scientifique autorisent à penser qu’il s’agit là de professeurs aguerris à la réflexion juridique au point de forger des postulats constitutionnels.
La stabilité du système de parrainage
Tout système de sélection des prétendants à la fonction présidentielle doit permettre, en plus de la représentation des familles politiques, « d’éviter que la compétition soit parasitée par des candidatures superflues ou carrément indignes » ou « fantaisistes ».
Au Sénégal, le parrainage a existé depuis 1a Constitution de 1963 en son article 24 prévoyant pour la recevabilité d’une candidature à l’élection présidentielle la présentation de « 50 électeurs dont 10 députés ». Cette conditionnalité introduit le parrainage citoyens et par des élus pour tous les prétendants à l’élection présidentielle. Mais à partir de 1991, le parrainage par des élus est supprimé. L’intention du constituant était de prendre en compte l’aménagement des candidatures indépendantes et de la possibilité de coalitions entre partis politiques. La révision a permis une foultitude de candidats lors de l’élection présidentielle à partir de 2000. Néanmoins, l’évolution des présentations de candidatures montre que la plupart des nouveaux prétendants ne dépassent pas le seuil de 1%. Par exemple, en 2012, sur les 14 candidats, 6 n’ont pas eu plus d’un 1% des suffrages valablement exprimés. Ce qui pose la question de la nécessité de stabiliser le système de présentation des candidatures en améliorant le mécanisme de filtrage.
Le nouveau projet de loi modifiant le Code électoral pose le parrainage obligatoire à toute candidature par 1% d’électeurs du fichier général. Une partie de ces électeurs doit provenir de 7 régions à raison de 2000 par région. Il s’agit d’une généralisation du parrainage et de l’augmentation du seuil électoral. Ce projet de réforme ne pose pas de question de contrariété avec la Constitution que d’aucuns qualifient de violation du mode d’élection. Que les juristes comprennent qu’il n’y a pas de projet de loi qui puisse être inconstitutionnel. Il faut au moins attendre la naissance de la loi pour pouvoir prétendre sa non-conformité à la Constitution. Et donc, pas de précipitation sur le devenir de la loi. Le parrainage ne serait qu’un simple « mécanisme juridique de filtrage des candidatures » profitable à notre système électoral et pour les citoyens soucieux de la clarté et de la lisibilité du débat électoral. Avec le parrainage, il serait intéressant d’assister à des débats entre candidats ayant un ancrage territorial de représentativité lors de l’élection présidentielle de 2019. Soyons claire ! Pas de fantasmes juridiques ! Le parrainage ne viole pas la Constitution mais renforce le dispositif de filtrage des candidatures en renforçant le régime de présélection des candidats afin de garantir « la clarté et la sincérité du scrutin voire sa dignité ».
A l’analyse, le parrainage est le plus noble des procédés de rationalisation de l’espace politique. Nous avons la certitude que la méthode funeste telle que l’interdiction ou la limitation des partis politique n’est plus de mise. Tout comme la rationalisation de l’espace politique par un contrôle de la conformité des partis politique aux obligations légales mettrait injustement l’Administration aux bancs des accusés. Que resterait-il ? Peut-être, l’aggravation de la caution qui favoriserait assurément le financement occulte voire sauvage des prétendants. En reste-t-il autre chose ! Evidemment oui, c’est l’onction populaire par le biais du parrainage. Alors, les intelligences sont sollicitées pour asseoir un encadrement politique, juridique et administratif du parrainage.
Par Moustapha FALL
Chargé d’enseignement en droit public à l’Université de Nantes (France)
Mais, l’argument de poids demeure, comme a eu à le rappeler le Conseil constitutionnel français, que « le nombre élevé de candidatures » ne doit pas affecter « la clarté du débat électoral » et « il importe, pour respecter l’esprit même de l’institution de l’élection du président de la République par le suffrage universel, que les candidatures aient une assise véritablement nationale ». Il va s’en dire que la désignation du titulaire du pouvoir exécutif doit obéir à des garanties minimales d’éligibilité et des règles contingentes de présentations des candidatures en vue d’assurer la sincérité et la crédibilité du scrutin. Au Sénégal, depuis quelques jours, un prétendu débat juridique s’installe autour du projet de loi modifiant le système de parrainage vigueur afin de préserver davantage la dignité de la fonction présidentielle. A cet égard, deux clarifications sont apportées pour éviter de nourrir le doute dans les milieux académiques et se semer la confusion dans l’opinion publique.
Il s’agit de bien retenir que le mode d’élection du Président de la République n’est pas à confondre avec les règles de présentation de candidature (I). Il s’agit d’une question d’opportunité de stabiliser le système de parrainage dans notre pays (II) et le projet de loi ne viole aucune disposition de la Constitution sur le plan strictement juridique à notre sens.
Le mode d’élection du Président de la République à ne pas confondre avec les règles de présentation de candidature.
Considéré comme « la clé de voute des institutions », le Président de la République dans la plupart des Constitutions est élu au suffrage universel direct. Ce qui permet au dépositaire du pouvoir exécutif d’avoir une légitimité égale à celle de l’Assemblée nationale.
Le mode d’élection du Président de la République au suffrage universel direct et à la majorité absolue des suffrages exprimés est fixé par la Constitution en son article 26. Cette disposition a été érigée au rang des clauses d’éternité par la révision constitutionnelle du 20 mars 2016 adoptée par référendum. Désormais, le nouvel article 103 verrouille toute velléité de toucher au mode d’élection du Président de la République au suffrage universel au même titre que la forme républicaine de l’Etat, le nombre de mandats consécutifs.
Dès lors, toute assimilation du mode d’élection du Président de la République aux règles de présentation des candidatures est en soi excessive et décevante. Une doctrine récente a tenté de forger une argumentation interprétative considérant le parrainage comme mode d’élection du Président de la République. Ce qui provoque un tsunami juridique préjudiciable à la compréhension de la doctrine constitutionnelle. Alors que la Constitution sénégalaise distingue opportunément le mode d’élection des règles régissant la présentation des candidatures (conditions d’éligibilité et de recevabilité). Parmi ces règles, figure le système de parrainage auquel la Constitution fait référence à l’article 29 de la Constitution soulignant ainsi que « toute candidature, pour être recevable, doit être présentée par un parti politique ou une coalition de partis politiques légalement constitués ou être accompagnée de la signature d’électeurs représentants au moins dix mille inscrits domiciliés dans six régions à raison de cinq au moins par région ». La lecture fidèle de cette disposition sans arrière-pensée montre qu’elle ne concerne pas la manière dont le Président de la République est élu. Donc le parrainage ne serait qu’une condition de validité des candidatures déposées auprès du Conseil constitutionnel, organe chargé de la régularité des élections nationales.
Pour rester sur le terrain éminemment scientifique, on peut comprendre aisément que la définition qui sert de comme point de départ à la confusion entre mode d’élection et règles de présentation pas soit pas sourcée. Ainsi que le recommande la clarté méthodologique, la doctrine ou la jurisprudence à l’origine d’une telle définition demande à être citée au moins en notes de bas de page. Mais, l’optimisme et la tolérance scientifique autorisent à penser qu’il s’agit là de professeurs aguerris à la réflexion juridique au point de forger des postulats constitutionnels.
La stabilité du système de parrainage
Tout système de sélection des prétendants à la fonction présidentielle doit permettre, en plus de la représentation des familles politiques, « d’éviter que la compétition soit parasitée par des candidatures superflues ou carrément indignes » ou « fantaisistes ».
Au Sénégal, le parrainage a existé depuis 1a Constitution de 1963 en son article 24 prévoyant pour la recevabilité d’une candidature à l’élection présidentielle la présentation de « 50 électeurs dont 10 députés ». Cette conditionnalité introduit le parrainage citoyens et par des élus pour tous les prétendants à l’élection présidentielle. Mais à partir de 1991, le parrainage par des élus est supprimé. L’intention du constituant était de prendre en compte l’aménagement des candidatures indépendantes et de la possibilité de coalitions entre partis politiques. La révision a permis une foultitude de candidats lors de l’élection présidentielle à partir de 2000. Néanmoins, l’évolution des présentations de candidatures montre que la plupart des nouveaux prétendants ne dépassent pas le seuil de 1%. Par exemple, en 2012, sur les 14 candidats, 6 n’ont pas eu plus d’un 1% des suffrages valablement exprimés. Ce qui pose la question de la nécessité de stabiliser le système de présentation des candidatures en améliorant le mécanisme de filtrage.
Le nouveau projet de loi modifiant le Code électoral pose le parrainage obligatoire à toute candidature par 1% d’électeurs du fichier général. Une partie de ces électeurs doit provenir de 7 régions à raison de 2000 par région. Il s’agit d’une généralisation du parrainage et de l’augmentation du seuil électoral. Ce projet de réforme ne pose pas de question de contrariété avec la Constitution que d’aucuns qualifient de violation du mode d’élection. Que les juristes comprennent qu’il n’y a pas de projet de loi qui puisse être inconstitutionnel. Il faut au moins attendre la naissance de la loi pour pouvoir prétendre sa non-conformité à la Constitution. Et donc, pas de précipitation sur le devenir de la loi. Le parrainage ne serait qu’un simple « mécanisme juridique de filtrage des candidatures » profitable à notre système électoral et pour les citoyens soucieux de la clarté et de la lisibilité du débat électoral. Avec le parrainage, il serait intéressant d’assister à des débats entre candidats ayant un ancrage territorial de représentativité lors de l’élection présidentielle de 2019. Soyons claire ! Pas de fantasmes juridiques ! Le parrainage ne viole pas la Constitution mais renforce le dispositif de filtrage des candidatures en renforçant le régime de présélection des candidats afin de garantir « la clarté et la sincérité du scrutin voire sa dignité ».
A l’analyse, le parrainage est le plus noble des procédés de rationalisation de l’espace politique. Nous avons la certitude que la méthode funeste telle que l’interdiction ou la limitation des partis politique n’est plus de mise. Tout comme la rationalisation de l’espace politique par un contrôle de la conformité des partis politique aux obligations légales mettrait injustement l’Administration aux bancs des accusés. Que resterait-il ? Peut-être, l’aggravation de la caution qui favoriserait assurément le financement occulte voire sauvage des prétendants. En reste-t-il autre chose ! Evidemment oui, c’est l’onction populaire par le biais du parrainage. Alors, les intelligences sont sollicitées pour asseoir un encadrement politique, juridique et administratif du parrainage.
Par Moustapha FALL
Chargé d’enseignement en droit public à l’Université de Nantes (France)
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